jeudi 1 juillet 2010

Splice

Quand Cronenberg rencontre del Toro qui rencontre Natali qui rencontre un mauvais scénariste.

Réalisé par : Vincenzo Natali
Ecrit par : Vincenzo Natali & Antoinette Terry Bryant
Avec : Adrien Brody, Sarah Polley, Delphine Chaneac
Durée : 107 min

Clive et Elsa, deux brillants biochimistes qui consacrent leur vie à leur travail, sont sur le point de découvrir une protéine de synthèse révolutionnaire pour le compte d'un puissant laboratoire pharmaceutique, en mélangeant les ADN de plusieurs espèces animales. En secret, ils combinent ADN animal et ADN humain, "au nom de la science" se persuadent-ils, et obtiennent un résultat inespéré : Dren.







Partout sur Internet, on nous présente Vincenzo Natali comme le nouveau Cronenberg et Splice comme le nouveau La Mouche. Il faut dire qu'on en retrouve beaucoup d'ingrédients : les limites morales de la science, des formes de vie fictives plus ou moins répugnantes, le genre bio-horror en somme, qui est un peu la chasse gardée de Cronenberg. Toutefois, le réalisateur d'eXistenZ n'est pas la seule source d'inspiration de Natali, loin de là. La diversité des influences de Splice se fait sentir à chaque instant, parfois douloureusement.

Il y a tout de même un fond de vérité à ces allégations. Natali est peut-être le meilleur auteur de science-fiction/fantastique intelligent de notre époque. Cube, Cypher, Nothing ; autant de films aux succès mitigés, mais qui ont le mérite de faire souffler un vent d'originalité et d'astuce sur un genre qui en manque beaucoup. C'est donc avec d'autant plus de stupeur que l'on découvre le manque d'inspiration de Splice.

Il s'agit sans doute de son projet le plus ambitieux à ce jour, celui qui lance le plus de pistes, la plupart intéressantes. Dommage qu'elles soient rarement abouties. L'essentiel du fond se base sur une variation du mythe de Prométhée : ici, l'homme fait un mauvais usage d'un savoir qui le dépasse, ce qui a des conséquences désastreuses pour lui et pour ceux qui l'entourent. La question principale concerne donc l'éthique scientifique : jusqu'où peut-on aller, y compris au nom du bien de l'humanité ? En filigrane, Splice raconte aussi l'histoire d'un couple aimant, mais qui délaisse son intimité au profit du travail, et qui trouve en Dren un enfant de substitution, ce qui donne d'ailleurs lieu à une interprétation passablement malsaine et bêta du complexe d'Oedipe.

Et c'est bien là la première tare du film : son scénario, très prévisible et parfois de mauvais goût, échoue presque systématiquement à concrétiser ses nombreuses ambitions, en prenant des raccourcis psychologiques pour arriver à ses fins. Sans oublier que l'atmosphère dérangeante et subversive qu'on nous promettait est, à quelques sursauts près, absente, et l'on a plutôt l'impression de regarder un Disney tant Natali semble frileux. Cela aurait pu ne pas être dommageable, sachant qu'une bonne partie de Splice est consacrée à l'affection grandissante qu'éprouve Clive et Elsa pour Dren. Le problème est qu'on a plus souvent l'impression de regarder un épisode de Flipper le dauphin qu'un fabuleux remake d'E.T. l'extraterrestre. Ce n'est pas de la faute de Delphine Chanéac (qui interprète la créature). Elle fait bien son boulot, la pauvre. Le dauphin aussi faisait bien son boulot.

Récapitulons : Splice fait penser à du petit Cronenberg chez Disney (rien que ça, c'est assez affolant), s'échinant pendant la moitié du film à créer une relation affectueuse et émouvante entre des humains et leur monstre-enfant, avant, constatant son échec, de faire un improbable détour vers Creature of the Black Lagoon, pour notre plus grande perplexité, ce qui, remarquez, n'aura pas manqué de nous faire sourire. C'est-à-dire que Splice est un pot un peu trop pourri.


Sentence : 2/5


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