jeudi 8 avril 2010

Alice au Pays des Merveilles

Elle est de retour... Pour le meilleur ou pour le pire ?

Titre original : Alice in Wonderland
Réalisé par : Tim Burton
Avec : Mia Wasikowska, Johnny Depp, Helena Bonham Carter
D'après : Alice's Adventures in Wonderland et Through the Looking-Glass de Lewis Carrol

Tim Burton, c'est un peu le Père Noël du cinéma fantastique : chaque fois qu'il revient avec un nouveau film, on tourne autour, on observe, on se frotte les mains, et puis avec un plaisir infantile, on achète sa place de cinéma et on s'installe confortablement, un sourire idiot sur le visage.
Ses détracteurs le disent peu inspiré (ce que l'on peut comprendre, la plupart de ses réalisations étant des remakes ou adaptations), ses fans bavent devant son style si particulier, tour-à-tour flashy New Age et macabre gothico-romantique. Pas de surprise donc quand on annonça qu'il allait être aux commandes du remake d'Alice au Pays des Merveilles, avec la "Bande à Burton" au casting (Johnny Depp & Co). Les uns soufflaient, l'air blasé "Ouais bon. Pourquoi ça m'étonne pas ?" et les autres criaient"Wouaou énooooooorme trop Burtonien Alice au Pays des Merveilles" et zou, s'empressaient de cliquer "J'aime" sur Facebook en entendant la nouvelle fracassante.

Alors, qu'a-t-il fait des chefs-d'oeuvre de Lewis Carrol ? Leur a-t-il fait honneur, ou la moulinette Disney a-t-elle été la plus forte ?






Déjà, première différence avec le livre qui augure d'un inévitable appauvrissement de l'oeuvre originale, dans cette version, Alice a 19 ans, et retourne au pays des merveilles, mais en ayant tout oublié. Au placard donc le sous-texte sur la psychologie enfantine, Alice maintenant, c'est une ado, ça rigole plus. Grosse modification aussi dans l'intrigue : il s'agit de libérer les charmantes (et moins charmantes) créatures du pays des merveilles de l'affreuse reine rouge (Helena Bonham Carter). On retrouve les thèmes chers à Burton et à Disney, notamment celui de l'héroïne qui ne se reconnaît pas dans la société où elle vit et qui souhaite échapper à des codes sociaux qui la brident.
Déjà, quand on lit ça, ça commence à sentir le pâté. Et d'ailleurs, le pâté, on a le nez dedans pendant 1h50. Inutile de maintenir le suspense, la moulinette Disney a tout balayé sur son passage, et le film a littéralement balafré l'oeuvre originale. Pourquoi ? D'abord, le pays des merveilles, c'est certes un pays enchanteur, aux vertes prairies, ruisselants ruisseaux, oiseaux guillerets, piou-piou etc. MAIS c'est aussi, et surtout, le pays de la folie, troublante, inquiétante même, où la frontière entre le bien et le mal est naturellement très floue.
Ici, point de subtilité (Subti-quoi ?), Alice a grandi, elle a vu des grands films de grands réalisateurs (Michael Bay, Roland Emmerich et tout) et elle s'est dit qu'un univers bien manichéen, c'est quand même vachement plus hollywoo... vachement plus classe, pardon.
Deux camps très distincts donc : celui de la Reine Blanche (Anne Hattaway, délicieuse dans son interprétation très second degré) et celui de la Reine Rouge. Dans le camp de la première, tous les personnages mythiques du conte : le chapelier fou, le lièvre, le Loir, le lapin blanc, les deux Tweedle, la chenille, etc. MÊME le Cheshire Cat, qui est censé incarner l'ambivalence effrayante et dangereuse du pays des merveilles, insaisissable au propre comme au figuré donc, même lui est ici représenté en gentleman vaguement blasé mais résolument bienveillant. La reine rouge, elle, écope juste d'un second couteau inventé pour l'occasion, de quelques bestioles sans cervelles et d'un...dragon.
Et ouais, un dragon. Parce que figurez-vous que cette version là nous présente, dans ses vingt dernières minutes, une Alice désexualisée (un comble, alors qu'elle a atteint l'âge de l'éveil sexuel ! Ah mais non ça apporterait de la profondeur au film...), dans une armure étincelante pour une bataille finale complètement improbable entre les deux armées, Alice et le dragon (répondant au doux nom de "Jabberwocky"). Même la BO de Danny Elfman, d'habitude exemplaire, rappelle ici étrangement celle de Charlie et la Chocolaterie.

Que peut-on sauver du naufrage ? Une direction artistique remarquable, les personnages et les décors sont très détaillés. C'est indiscutablement le gros point fort du film, et on sent que c'est là-dessus que les producteurs ont tout misé. Beaucoup de plans larges, pour une image très travaillée : on a parfois l'impression de regarder une galerie de tableaux plus enchanteurs les uns que les autres. Au milieu de ce casting titanesque, la jeune Mia Wasikowska tire son épingle du jeu et interprète de façon très convaincante une Alice rêveuse et atypique.

Finalement, là où le dessin animé avait su garder cette ambivalence et cette beauté inquiétante et poétique, Tim Burton n'en sort qu'un ersatz terriblement convenu de Monde de Narnia, le bon goût visuel en plus, avec des personnages aussi plats qu'une feuille de papier.


Sentence : 1,5/5

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