jeudi 17 juin 2010

L'Illusionniste

"Rock m'a tuer"-le Music Hall

Réalisé par : Sylvain Chomet
D'après un scénario original de Jacques Tati.
Durée : 80 min

A la fin des années 50, un illusionniste français se rend compte que ses tours de passe-passe n'intéressent plus grand-monde ; le Rock'n'Roll balaie tout sur son passage. Les contrats se faisant de plus en plus rares, il part tenter sa chance en Angleterre, sans plus de succès, où il rencontre Alice, une jeune fille sans le sou qu'il prend sous son aile.







C'est en fouillant dans les vieux tiroirs de son illustre père que Sophie Tatischeff a sorti cette perle de l'animation 2D. Sylvain Chomet, auteur des fameuses Triplettes de Belleville, ne pouvait rêver d'un meilleur projet, lui qui vouait une admiration sincère à Jacques Tati. C'est donc le coeur gonflé d'orgueil qu'il s'est attelé à la réalisation de ce fossile des temps modernes, criant "merde" aux poncifs de l'animation 3D pour privilégier une esthétique à l'ancienne.

Et tenez-le vous pour dit : l'ère des dessins animés n'est pas révolue, loin s'en faut. Le charme poussiéreux de L'Illusionniste tient à son animation irréprochable et à son atmosphère unique, savant mélange de magie, de nostalgie et de drame social. Non, ceci n'est pas pour les enfants, ils s'ennuieront et passeront à côté de l'essentiel : Sylvain Chomet pose la question de la place de l'artiste dans la société. Une époque bien grise pour qui ne vit pas avec son temps, une époque qui pousse des clowns au suicide et des ventriloques à la vente de leur marionnette. Ce contraste saisissant entre magie et préoccupations terre-à-terre mais nécessaires est au coeur du film et en fait toute la force tragique, à l'image du dernier message du protagoniste pour Alice, qui résonne comme un glas assassin dans l'univers du rêve et du Music Hall.

Et comme Sylvain Chomet n'aime guère la facilité -on lui en est reconnaissant-, il s'imposa un deuxième défi de taille, créer une relation humaine et attachante entre deux personnages de papier qui ne parlent presque jamais, sans utiliser de gros plan, façon vieille école donc, en filmant les personnages "de pied". Avec ses airs de dandy maniéré et maladroit, l'illusionniste est un bloc d'élégance et d'humanité bienveillante qui vous ravit avant de vous émerveiller. Voir ces deux âmes égarées veiller l'une sur l'autre a quelque chose de rafraîchissant et fait oublier, l'espace de quelques plans fixes, le monde extérieur, le quotidien et sa platitude. C'est cela, la grande force de L'Illusionniste : c'est plus qu'un film, c'est un numéro, un tour de magie qui vous fait décoller avant de vous ramener au sol avec force et raffinement à la fois.


Sentence : 4,5/5

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