lundi 3 mai 2010

Irréversible

"Le temps détruit tout" - Un beauf dans un motel.

Ecrit & réalisé par : Gaspar Noé (2001)
Avec : Vincent Cassel, Albert Dupontel, Monica Belluci
Durée : 93 minutes

Le voilà, le mastodonte provocateur de Gaspar Noé qui l'a propulsé sur la scène internationale, et qui le poursuit encore dans toutes ses interviews. Chef d'oeuvre du 7e art pour certains, imposteur nauséabond pour d'autres, Irréversible a quoi qu'il en soit été un tournant dans le monde du cinéma, en posant la question de la monstration de l'extrême violence au service du propos du réalisateur.

Convaincu que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures, Gaspar Noé filme une histoire de vengeance qui tourne à l'obsession malsaine : après qu'Alex (Monica Belluci) a été violée dans un tunnel par un inconnu, son compagnon Marcus (Vincent Cassel) et son ex-petit ami Pierre (Albert Dupontel) décident de faire justice eux-mêmes.






Si Irréversible n'avait été qu'un film ultra-violent, sa renommée n'aurait pas été mondiale. Tout au plus aurait-on apprécié l'audace du réalisateur, tout en regrettant la gratuité du geste. En toute objectivité, on peut considérer qu'Irréversible est un vaste exercice de style, proche de la virtuosité.

Car, en dehors de toute observation du fond, le film est un véritable objet cinéphilique, jamais vu auparavant et donc digne d'attention.

L'ensemble du long-métrage est découpé en six plans-séquences complexes et en mouvement (à part la scène du viol, en caméra fixe), dans une narration à rebours. Outre l'exploit technique que cela représente, on appréciera une vraie capacité à faire monter la tension durant la première moitié du film, composée des scènes "violentes"

Irréversible pivote en effet autour de la fameuse scène de viol, située précisément à la moitié de la bobine. Avant et après cette scène, les comportements des personnages et le ton du film changent radicalement. Le problème, c'est que la qualité aussi.
Si l'on doit reconnaître un certain talent à Gaspar Noé pour filmer la brutalité et les plus bas instincts de l'humanité, ce n'est pas le cas lorsqu'il s'agit de sentiments et de complicité. La deuxième partie du film se perd en effet dans des scènes ennuyeuses et digressions tarantinesques. Dans tous les cas, Gaspar Noé ne parvient pas à créer l'émotion.

Mais ce sont les moyens utilisés par le réalisateur qui sont le plus répréhensibles. On l'a compris, Gaspar Noé a choisi de jouer la carte de la provocation pour arriver à ses fins. Le film rappelle d'ailleurs Orange Mécanique, par sa violence et son message.
Seulement voilà : si la mise en scène est particulièrement inspirée, le scénario ne l'est pas du tout. On peut faire les mêmes reproches à Irréversible que ceux faits à La Passion du Christ : les scènes violentes du film sombrent rapidement dans la provocation gratuite et, disons-le, franchement malsaine. On peut légitimement se poser la question : aussi bien réalisée soit-elle, la scène d'introduction mérite-t-elle d'être aussi longue ? De même, la scène de viol sert-elle le propos du film ? Si quelqu'un réalise un film sur un pédophile, est-il nécessaire de filmer en détail l'agression sexuelle des enfants ?

La réponse est bien sûr non. Montrer les choses permet de créer un malaise physique sur le moment, en plus du malaise moral, mais n'intensifie jamais la portée tragique d'un geste. Sans compter que la suggestion est un outil nettement plus élégant, et tout aussi efficace (voire plus) dans le cadre de la narration.

D'un point de vue qualitatif, il faut donc bien séparer la forme du fond d' Irréversible : Gaspar Noé manie la caméra comme un maître, et les acteurs sont impressionnants. Mais sur le fond, c'est creux, dégueulasse et gratuit. Un peu comme une cuvette de toilettes sertie de diamants, mais qui n'a pas été nettoyée depuis des mois, par pur goût de la provocation. A voir malgré tout, pour qui s'intéresse au cinéma.


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