samedi 31 juillet 2010

Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?

C'est vrai ça, on se pose pas assez souvent la question.

Titre original : What Ever Happened to Baby Jane ?
Réalisé par : Robert Aldrich (1962)
Ecrit par : Lukas Heller
Avec : Bette Davis, Joan Crawford, Victor Buono
Durée : 123 min
D'après le roman de Henry Farrel.

En 1917, la petite Blanche Hudson vit dans l'ombre de sa soeur Jane, enfant star capricieuse et pourrie gâtée. En 1935, les rôles sont inversés : Blanche est une actrice acclamée tandis que Jane est une alcoolique sans talent. Des années plus tard, elles cohabitent dans la même maison : Jane s'occupe de sa soeur devenue paraplégique après un accident, mais leurs relations sont pour le moins houleuses.






Robert Aldrich a fait son petit effet à l'époque en présentant Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?. Certes, le film a été immédiatement acclamé par la critique, mais c'est surtout la rencontre entre les deux monstres sacrés et éternelles rivales Bette Davis et Joan Crawford qui a propulsé le film au panthéon. Car pour le reste, il y a pas mal de choses à redire.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser (enfin, moi, je l'ai pensé en tout cas), il ne s'agit nullement d'une histoire d'enlèvement ou de disparition ; la fameuse Baby Jane est l'un des deux personnages principaux, avec sa soeur Blanche. La vieille et acariâtre Jane, qui n'a pas supporté de ne plus être le centre de l'attention publique, est rongée par la jalousie envers sa soeur, belle, populaire et talentueuse. Très malsaine au départ, la relation d'interdépendance entre les deux personnages empire, jusqu'à franchir les frontières de la folie destructrice. Une histoire plutôt classique donc, et qui n'est pas traitée de la plus fine des manières. Les deux protagonistes sont en effet caricaturaux : on a Blanche d'un côté, belle, douce, agréable, généreuse, magnanime, sympathique, talentueuse, on n'en finit pas d'énumérer ses qualités. Et puis à son service, Jane, laide, méchante, alcoolique, cruelle, folle, dangereuse, jalouse, égoïste, on n'en finit pas d'énumérer ses défauts. Seul un twist bon marché, qui peine à ébranler les fondations de l'histoire, tente d'apporter un peu de complexité et d'humanité à la fin du film. Mais il arrive un peu comme un cheveu sur la soupe...

Le scénario n'est pourtant pas exempt de qualités : la montée du suspense est maîtrisée et le crescendo de folie est bien rendu. Certes, par moment, les situations évoluent de manière prévisible, mais l'un dans l'autre, on ne s'ennuie guère pendant 2H13, ce qui, en soi, relève d'une belle performance. Film noir en huis clos à l'atmosphère délétère, Mais qu'est-il arrivé à Baby Jane ? met souvent mal à l'aise, et bien que ses personnages soient excessivement simples à comprendre, ils ne manquent pas d'intérêt (surtout Jane. Malgré la tentative finale peu convaincante de lui donner un peu de relief, Blanche se fait voler la vedette par sa soeur). L'évolution morbide de cette laissée pour compte de la célébrité est plaisante (enfin, façon de parler...) à regarder et plutôt cohérente.

Rendons donc justice à Aldrich : Mais qu'est-il arrivé à Baby Jane ? surprend souvent par ses qualités de film précurseur, tant dans les moyens narratifs employés que dans le déroulement de l'histoire. Certes, la mise en scène et le jeu des actrices a un peu vieilli, mais à la manière des beaux vieux, comme un bon vin. On regrettera seulement une écriture un brin paresseuse et un scénario peut-être pas cousu de fils blancs, mais disons... gris clair.


Sentence : 3/5


1 commentaire:

  1. Cette critique est bien plus acerbe que les dents qui n'osèrent pas manger le canari servi par Bette Davis! Non, non, non, non, je suis et demeurerai fermement convaincu que ce film mérite bien plus qu'un mauvais gris-clair de table.

    Certes le scénario annonce ses couleurs sans finesse, noire et blanc comme sa pellicule; certes la route qui mène à l'échéance finale dévoile une ligne blanche tirée au cordeau -quoique la Blanche est plus noire qu'on croit; certes le "twist" final est prévisible; il n'empêche que pour le buveur de picrate que je suis, ce sont ces défauts là qui donnent au film tout sa saveur. Basique le scénario? Oui, et tant mieux, car il offre enfin un ring suffisamment grand pour que ces "bêtes de scènes" "monstres sacrés" ou "gorgones hollywoodiennes", comme on voudra, puissent nous stupéfier dans leur affrontement féroce.

    Avec un tel film, on ne peut garder la même grille d'analyse que celle utilisée pour les contemporains! Sans vouloir prêcher le "c'était l'bon temps", je dirai qu'aujourd'hui, plus importe dans un film les péripéties en cascade, les méandres incernables du scénario, les effets de caméra, que le jeu des acteurs et le texte. Ici, le texte est fade, il est vrai; mais fallait-il versifier? Nul besoin de jambages! Place! Place! Laissons le jeu des actrices saturer les contrastes de la pellicule.


    Ce film où le noir n'apparaît qu'avec le blanc emporte, inexorablement, et la rectitude de son scénario ronge comme une coulée de boue, coulée de boue où se mêle amour de soi, secrets et jalousie, jusqu'à la folie. Il procède d'une vision sans concession de l'existence, d'une écriture du mal, et soulève avec conviction la cloche de notre plateau-repas où le ciel se marie à l'enfer.

    A voir impérativement.Intemporel.

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