dimanche 13 juin 2010

Gosford Park

Ils sont fous ces bretons.

Réalisé & co-écrit par : Robert Altman (2001)
Avec : Clive Owen, Kristin Scott Thomas, Michael Gambon
Durée : 137 min

En 1932, une famille d'aristocrates anglais organise une partie de chasse à cours à laquelle sont conviés de nombreux invités. Un meurtre survenu dans la soirée bouleverse les codes et les convenances figés de cette micro-société partagée entre deux mondes : celui des maîtres et celui des serviteurs.






Gosford Park n'est pas tant une enquête policière qu'une représentation détaillée des moeurs de l'aristocratie anglaise des années 30. L'essentiel du film est en effet consacré à l'interdépendance très hegelienne qui résume les relations entre aristocrates et leurs valets : les uns passent leur temps à discuter des ragots sur les autres, et vice-versa. Ôtez leurs valets aux aristocrates et ils se retrouvent seuls dans un grand monde menaçant ; quant aux valets, ils ne sont rien sans leurs maîtres. Ce n'est donc pas un hasard si l'enquête policière passe au second plan, à l'image de l'inspecteur Thompson, personnage volontairement effacé, qui n'apparaît jamais seul ou au premier plan.

Robert Altman et Bob Balaban se sont d'ailleurs beaucoup inspirés des romans d'Agatha Christie pour l'écriture du scénario de Gosford Park (seul Oscar acquis sur les sept nominations) : des personnages fourbes, des secrets coupables, l'hypocrisie la plus crue comme credo universel ; tout cela est dépeint avec un humour très anglais et un jeu de clair-obscur habile. Car la réalisation est exemplaire, élégante dans sa simplicité et son sens du détail.

Pourtant, il y a une tache sur cet impressionnant tableau, un défaut qui n'en est peut-être pas un, mais qui ennuie malgré tout, dans tous les sens du terme. Le scénario, bien qu'il fût seul à être récompensé aux oscars, souffre de sa longueur. Gosford Park est très lent à démarrer, c'est un fait, pour une raison qui le poursuit pendant 2h17 (!) : Bob Balaban et Robert Altman sont très bavards, et n'aiment guère l'action. Cela n'aurait pas été gênant si, à la place des points-virgules, nos deux auteurs avaient ponctué les répliques de leurs personnages de touches d'humour. C'est d'autant plus regrettable qu'ils le font très bien, mais trop rarement pour saborder l'ennui qui, comme un affreux navire rempli de colporteurs, vient tranquillement s'installer à quai.

On pardonne volontiers la mollesse du scénario qu'il compense avec son intelligence et ses idées. L'univers de Gosford Park est bien plus complexe qu'une énième représentation de la lutte des classes : chaque camp trouve son compte dans l'immobilisme et ceux qui dérogent à la règle en mettant un pied d'un côté ou de l'autre de la frontière sont punis tôt ou tard, et personne ne s'en étonne ni ne s'en plaint, pas même les intéressés. C'est finalement une bonne chose que les auteurs aient délaissé l'enquête policière au profit de l'aspect social : entre humour noir et cynisme à l'anglaise, rarement portrait de l'aristocratie et de son fonctionnement aura brillé avec autant d'éclat.


Sentence : 4/5

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