jeudi 24 juin 2010

L'Échelle de Jacob

Le paradis, l'enfer : quel bordel.

Titre original : Jacob's Ladder
Réalisé par : Adrian Lyne (1991)
Ecrit par : Bruce Joel Rubin
Avec : Tim Robbins, Elizabeth Pena, Danny Aiello
Durée : 112 min

Quelque chose ne tourne pas rond dans la vie de Jacob Singer : d'abord, il y a ces flashs-back insupportables sur la guerre du Viet-Nam, puis ces cauchemars qui semblent prendre le pas sur la réalité, durant lesquels son troisième fils est encore vivant et son ex-femme encore aimante. Mais le pire dans tout cela, ce sont ces étranges créatures, des démons, il en est convaincu, qui le poursuivent partout, Dieu sait dans quel but.






Souvent, le parcours sans faute de cinéastes réputés est entaché par un film déraisonnablement mauvais, pour des raisons diverses - caprices de producteur, rêve d'enfant, gastro pendant le tournage... Dernier exemple en date, l'infect Robin des Bois de Ridley Scott, dont le nom tintait pourtant comme un gage de qualité (d'Alien à Robin des Bois, comment a-t-on pu en arriver là ?).
Et puis, plus rarement, c'est l'inverse qui se produit, c'est-à-dire qu'un cinéaste quelconque brille l'espace d'un long-métrage, avant de retomber dans la fadeur qui l'a jusqu'ici caractérisé. Adrian Lyne et L'Echelle de Jacob sont de cette catégorie-là.

D'un point de vue thématique et qualitatif, le film ne ressemble à rien de ce que le cinéaste a produit et/ou réalisé avant cela. Plutôt habitué aux thrillers sulfureux sans prétention, Adrian Lyne semble n'avoir été que l'orfèvre -habile et efficace, reconnaissons-le- au service de la plume torturée de Bruce Joel Rubin.

Inspiré de la libre interprétation d'un épisode de la Bible qui porte le même nom, le film est, sans surprise, chargé d'images et de références bibliques (ne serait-ce que les prénoms des personnages). Le contraire eut été étonnant : les thèmes principaux de L'Echelle de Jacob sont la vie, la mort, l'enfer, le paradis, le tout saupoudré d'une déclaration anti-militariste qui a du mal à s'intégrer dans l'histoire de fond, résolument spirituelle et métaphysique. Car non, ce n'est pas un film que l'on visionne à une heure du matin en grignotant et en discutant avec des amis après une soirée plus ou moins arrosée. Bruce J. Rubin n'a d'autre vocation, pendant 1h30, que d'égarer le spectateur, avec beaucoup d'intelligence et de doigté, dans les méandres paranoïaques de l'esprit de Jacob, ex du Viet-Nam et traumatisé comme il se doit. Comme lui donc, on est balloté avec un cynisme cruel entre réalité cauchemardesque et idéal illusoire, tout cela pour nous mener où ? Vous le saurez en tant voulu.

L'Echelle de Jacob n'est pas le film labyrinthique au cadenas tenace que l'on nous a présenté ici et là ; Bruce J. Rubin maîtrise parfaitement son script, ce qui, étant donné l'oeuvre en question, revient à dompter un taureau furieux de huit tonnes avec une main dans le dos. Pour peu que l'on soit attentif, la clé nous est gracieusement fournie dans le dernier quart du film, qui prend tout son sens. Les sentiments commencent alors à se bousculer dans notre esprit mis à rude épreuve, mais on est sûr d'une chose : c'est ambitieux, c'est intelligent, c'est beau. On en veut plus, des films comme celui-là.

Sentence : 4/5


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