jeudi 22 avril 2010

La Comtesse

Rien ne sert de vieillir, il faut saigner à point.

Titre original : The Countess
Ecrit & réalisé par : Julie Delpy
Avec : Julie Delpy, Daniel Brühl, William Hurt
Durée : 94 minutes


Pour son troisième long-métrage, Julie Delpy plonge dans le Moyen-Âge hongrois et l'histoire sinistre d'Elizabeth Bathory, tristement célèbre pour sa sale manie de prendre des bains de sang de vierge dans le fol espoir de rester jeune. Les rares fois où la comtesse sanglante était personnifiée dans le 7e art, c'était en tant qu'improbable épouse de Dracula (et oui, l'un aime empaler, l'autre aime saigner de jeunes vierges ; en plus ils vivent dans la même région, à peu près à la même époque. Comment résister à la tentation de leur mariage outre-tombe ?).
En l'occurrence, le côté série B, certes amusant, mais un peu fantaisiste, est délaissé par Julie Delpy, qui préfère adopter une approche historique, mêlant romance et complot politique.






L'entreprise était particulièrement audacieuse. La phrase d'accroche de l'affiche française est tout de même "Est-ce un crime de vouloir rester jeune ?", ce qui, étant donné le sujet traité, revient à sous-titrer un biopic d'Hitler "Est-ce un crime de croire en un idéal d'humanité ?".

Cela dit, n'importe quel projet sérieux choisissant de mettre le manichéisme au placard est un bon projet. Prendre le parti, d'une certaine façon, de déculpabiliser l'une des bouchères les plus réputées de l'histoire (ou du moins d'attirer la sympathie du spectateur à son endroit) était un défi herculéen. Mais, comme dirait l'autre, impossible n'est pas français.

Comment ? Qu'ouïs-je ? Julie Delpy est moitié française, moitié américaine ?

Ah. Cela explique beaucoup de choses. Il faut croire que la partie yankee a été la plus forte pendant le tournage, à bien des égards.
Par où commencer ? Pour parvenir à ses fins de la plus habile des façons, Julie Delpy mélange romance (entre la comtesse et un jeune noble) et conspiration politique (dirigé contre elle, évidemment). Le but était, d'une part d'humaniser le personnage en lui faisant vivre une intense histoire d'amour, et du même coup, de trouver un motif aux meurtres absurdes qui suivront, et d'autre part, pour achever de faire planer le doute sur le personnage (et ainsi de placer le spectateur dans une position de trouble), la ficelle du complot politique, qui change la comtesse en victime désabusée de calomnies.

C'est complètement raté. La romance, pour commencer, est d'une naïveté et d'un romantisme abominables. On est difficilement convaincu par cette histoire gnan-gnan entre une noble dame, belle, crainte et puissante, et un jouvenceau à peine sorti du berceau. Les deux amoureux s'échangent mollement des platitudes fleur bleu que l'on croirait tout droit sorties d'un mauvais teen-movie (Pas Twilight non plus, mais pas loin). Passée cette pseudo-romance indigeste, on rentre dans le complot politique, lui non plus pas intéressant pour deux sous. William Hurt n'est guère convaincant en conspirateur patenté et bien caricatural. Lui, c'est souligné plusieurs fois lourdement, il ne croit pas aux histoires d'amour, surtout les amours impossibles. C'est donc un méchant.

Là où le scénario se tire une balle dans le pied, c'est qu'il est explicitement montré que la comtesse tue des centaines de jeunes femmes pour conjurer ses terreurs immatures. A partir de là, l'ambiguïté ne prend plus : le personnage qu'on suit n'est qu'une meurtrière infantile qui peut bien envoyer autant de lettres parfumées qu'elle veut à son petit amoureux, ça ne change rien.

Le scénario, très mécanique dans son déroulement, est en plus déservi par des interprétations inégales : seules Julie Delpy et Sebastian Blomberg (le comte Dominik Vizakna) tirent leur épingle du jeu. Les autres, même William Hurt, se débattent tant qu'ils peuvent dans une mise en scène esthétisante (malheureusement, la photo ne suit pas), et un peu fourre-tout : Julie Delpy emprunte quelques plans au thriller, et même à l'horreur (on a d'ailleurs droit à plusieurs scènes nous présentant du gore gratuit, inutile et vulgaire).

La Comtesse est donc un film étrange : il ne monte pas bien haut, mais sa chute est vertigineuse. D'un pan flou et macabre de l'histoire, Julie Delpy ne tire qu'un long-métrage maladroit dans sa mise en scène et son écriture, qui a trempé son doigt dans la casserole bouillante de l'ambiguïté, mais n'en a tiré qu'une vilaine brûlure. Assurément un film ambitieux, mais qui échoue dans toutes ses ambitions. Toutes ? N... ah si.


Sentence : 1,5/5

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