lundi 26 avril 2010

7h58 ce samedi-là

L'enfer, c'est la famille.

Titre original : Before the Devil Knows You Are Dead
Réalisé par : Sidney Lumet (2006)
Avec : Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Albert Finney
Durée : 116 minutes

Dernier film en date du mythique, inoxydable Sidney Lumet, 7h58 ce samedi-là (traduction française assez énigmatique) est un thriller d'un genre un peu particulier, puisqu'il s'agit aussi (surtout) d'un drame familial.

Deux frères (Ethan Hawke et Philip Seymour Hoffman) décident de braquer la bijouterie de leurs parents. Mais tout ne se déroule pas comme prévu : c'est le début d'une crise familiale et humaine aux conséquences irréversibles.






Il est de ces films qui frappent par leur justesse de ton, leur élégance et leur intelligence. Injustement boudé par le public à sa sortie en salles, 7h58... est d'abord un thriller très bien huilé, mais aussi un drame superbement écrit.

Le mode de narration fait d'abord penser au Memento de Christopher Nolan, mais on se rend vite compte que le récit ne se fait pas seulement à rebours, mais de façon chaotique, décousue.

C'est dans un contexte très réaliste de misère social d'un côté et de désillusion de l'autre que Sidney Lumet filme, avec beaucoup de retenue et de maîtrise, la lente descente aux enfers de deux frères (Ethan Hawke et Philip S. Hoffman, tous deux impressionnants) qui perdent le contrôle de leur vie.

La partie thriller n'est pas le véritable sujet du film. 7h58... raconte surtout la dislocation de la cellule familiale, que les canons du genre tendent à représenter comme l'ultime refuge. Ici, Sidney Lumet déconstruit méthodiquement ce mythe avec un cynisme certain que ne bouderaient pas les prêtres du politiquement incorrect.

Les liens familiaux apparaissent en effet corrompus, dans un dédale de non-dits et de secrets coupables. Les personnages, qui disposent tous d'une psychologie complexe et approfondie, tentent de sauver comme ils peuvent les meubles de leur univers familial qui s'effondre petit à petit autour d'eux, mais ne récoltent que le fruit de leur impuissance ; les situations ne font qu'empirer, jusqu'au dénouement tragique et délicieusement ambigu, voire subversif.

Le scénario fait d'ailleurs preuve d'une intelligence rare : tous les personnages du film sont pris dans un gigantesque tourbillon, au centre duquel se trouve la vérité. Les évènements s'imbriquent avec une fluidité remarquable, dans un récit pourtant complètement destructuré.

Et parlons-en de ce récit, que le montage a rendu tortueux au possible. En montant son histoire de façon éclatée, Lumet opère une adéquation parfaite entre la forme et le fond, puisque la dislocation du récit reflète la lente désintégration du cocon familial.

7h58... est donc plus qu'un simple thriller, qu'un simple drame ; c'est un gigantesque pavé lancé dans la mare des convenance et des canons du genre. Le genre de film qui se distingue de ses contemporains dès les premières minutes grâce à la finesse de son écriture et de sa mise en scène. On aimerait rencontrer plus souvent un cinéma de cette trempe.


Sentence : 4,5/5

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