samedi 14 août 2010

L'Arbre

Auprès de mon arbre, je mourais heureux...

Titre original : The Tree
Ecrit & réalisé par : Julie Bertuccelli
Avec : Charlotte Gainsbourg, Morgana Davies, Marton Csokas
Durée : 100 min
D'après le roman de Judy Pascoe et le screenplay d'Elizabeth J. Mars.

Les O'Neil sont très heureux. Ils ont une belle maison, un bel arbre, de beaux enfants, ils s'aiment et gagnent bien leur vie. Un scandale, si vous voulez mon avis. D'ailleurs, Julie Bertuccelli est d'accord avec moi, puisque comme le dit Tim, l'aîné des quatre enfants, "rien de plus chiant que les familles heureuses". Un beau jour d'été donc, le drame survient : Peter, la trentaine vigoureuse, meurt d'une crise cardiaque, soudainement. Dawn (Charlotte Gainsbourg) se laisse aller à la dépression, et les enfants sont presque livrés à eux-même. Sauf Simone, qui est convaincu que son père s'est réincarné dans le gigantesque figuier de leur jardin.





Sous couvert d'intentions originales, Julie Bertuccelli ne prend guère de risques dans son histoire. Des récits de deuil et de veuvage, on en a vu beaucoup, et elle le sait. Pour nettoyer un peu ce thème poussiéreux, elle a fondamentalement choisi de mélanger deux genres : le drame familial, naturellement, qui occupe la plus grande partie du film, et le film "d'animaux", c'est-à-dire l'histoire d'un quelconque animal (souvent un chien), protégé bec et ongle par ses maîtres contre des voisins incompréhensifs. Ici la comparaison est certes grossière (puisqu'il n'y a pas de chien, mais un arbre), mais en l'essence, on retrouve beaucoup d'ingrédients des films de ce genre.

N'ayez pas peur, L'Arbre n'est pas un remake un peu loufoque de Beethoven, c'est avant tout un drame sensible et bien traité. Toutefois, c'est aussi très convenu. Le récit s'applique à respecter les figures imposées du film de deuil, auprès de la veuve (la partie la plus réussie, sobre et élégante) comme de l'orphelin (la petite Simone, qui pense dur comme fer que son défunt père est dans l'arbre ; ce personnage-là est nettement moins convaincant, plus grossier et souvent prévisible).

L'intérêt et l'intelligence de L'Arbre se situent dans le fait qu'il ne s'arrête pas à l'orée du fantastique : il en reste éloigné. Ainsi, Julie Bertuccelli choisit de substituer une psychologie assez fine à du merveilleux de mauvais aloi. Porté par de superbes images de la nature australienne, le film distille une atmosphère mélancolique et apaisante sous la masse ombrageuse du superbe figuier au centre de l'histoire. Conventionnel, mais sensible, L'Arbre est ce qui se fait de mieux en matière de déjà-vu.


Sentence : 3/5

jeudi 12 août 2010

The Killer Inside Me

C'est fourbe, un subconscient.

Réalisé par : Michael Winterbottom
Ecrit par : John Curran & Michael Winterbottom
Avec : Casey Affleck, Jessica Alba, Kate Hudson
Durée : 120 min
D'après le roman de Jim Thompson.

Lou Ford est policier dans la petite ville de Central City, mais c'est avant tout un gentleman. Ses plus bas instincts, il les contient tant qu'il peut, mais la tâche lui est pénible. Lorsqu'on lui demande de renvoyer une prostituée qui a séduit le fils de l'homme le plus riche de la ville, il ne se retient plus, se souvient de vieux comptes à régler, et déclenche un engrenage de violence et de mensonges.






Adapté d'un roman si noir qu'il en a assombri les Etats-Unis en son temps, The Killer Inside Me parle de pulsions malsaines, de folie et de mensonge. Michael Winterbottom, qu'on avait pas vu à la tête d'un casting aussi prestigieux depuis longtemps (jamais ?), s'en sort honorablement, mais ne se sert que des plus grosses ficelles du film noir. C'est dommage, le résultat est seulement gris foncé.

D'abord, le film ne serait rien, ou peu de chose, sans la performance habitée de Casey Affleck, le nouveau M. Ambigu du cinéma, un peu comme John Malkovich. Avec son sourire carnassier, sa voix aigrelette et son physique de grenouille, il nous met franchement mal à l'aise, en jouant toujours très juste, et confère ainsi à son personnage une crédibilité solide qui était loin d'être acquise.

Et oui, Lou Ford étonne, rend sceptique au début, mais ne tarde pas à fasciner. Son détachement, cet alliage surprenant entre glace et bouillonnement à peine contenu en fait l'indiscutable point fort du film. Chez lui, violence et amour ne font qu'un : plus il vous aime, plus il vous frappe. S'il vous aime peu, il vous frappera aussi, mais de quelques coups puissants et bien placés. Et quid de l'aboutissement d'une relation amoureuse ? La mort, évidemment. La logique interne de Lou est bien huilée, cohérente et invraisemblable à la fois, et c'est ce qui le rend si intéressant.

Malheureusement, tous les deniers ont été dépensés pour le protagoniste, et quelques maigres économies ont servi au scénario. N'allez pas croire qu'il est indigeste et bourré de clichés ; il est efficace, mais convenu. On a l'impression de suivre un film policier très classique, sauf que le héros n'est pas l'enquêteur, mais le meurtrier. Les scènes de violence, brillamment mises en scène, sont autant de sursauts qui rappellent que The Killer Inside Me aurait pu être un excellent film noir. Mais à force de s'appliquer sur les pulsions des personnages, Michael Winterbottom en oublie l'essentiel : l'atmosphère. C'est violent, certes, parfois trash, parfois passionnel, mais le réalisateur ne s'appuie que sur des faits, du concret qui s'essouffle (les scènes de sexe notamment, qui sont longues et n'apportent pas grand-chose), malgré une superbe photographie qui joue beaucoup de clairs-obscurs. On regrettera aussi que la bande originale ne puise que dans deux registres musicaux, ce qui crée quelquefois des contrastes voulus, mais malvenus.

Le bilan est donc plutôt mitigé, un peu décevant. On se souviendra d'un film noir qui passe à côté de son genre, faute d'inventivité et de génie, et de Casey Affleck et de son personnage qui, contrairement à Michael Winterbottom, a su livrer une performance loin des chemins balisés.


Sentence : 3/5