lundi 28 juin 2010

Les Petits ruisseaux

Daniel Prévost dans son cercueil,
Bandait encore comme un chevreuil...

Ecrit & réalisé par : Pascal Baraté
Avec : Daniel Prévost, Bulle Ogier, Hélène Vincent
Durée : 94 min
D'après la bande dessinée du même nom de Pascal Baraté

Pour Emile, veuf et retraité, les jours se suivent et se ressemblent tristement. Il faut se rendre à l'évidence : les beaux jours sont derrière lui, il ne reste plus qu'à vivoter, entre parties de pêches et bières avec les potes au bistro du coin. La mort d'Edmond, son meilleur ami et vieux cochon éternellement en rut, agit comme un déclic. Merde à la fin, la vie d'Emile n'est pas finie, encore moins sa vie sexuelle.






Ces derniers temps, le teen-movie à la française se porte bien. Entre Les beaux gosses, Lol, et autres films aux titres éminemment porteurs de finesse et de bon goût, on arrive presque à rendre jaloux les papes de la comédie adolescente outre-atlantique. Pas de quoi être fier, me direz-vous. C'est bien. Pascal Baraté est de votre avis et son film, Les Petits ruisseaux, se contrefiche de l'éveil sexuel des bonbonnes à hormones, et lui préfère le réveil sexuel de grabataires en puissance.

C'est osé, résolument anti-glamour, et plein d'un espoir grinçant. Pascal Baraté n'en est pas tout à fait à ses premiers pas derrière la caméra, et cela se voit. La mise en scène, originale et inspirée, retranscrit fidèlement l'univers haut-en-couleur de la bande dessinée, avec ses personnages figés et ses accessoires loufoques (la demi-voiture d'Emile en tête). Ne vous laissez pas tromper par le ton tendre et gentiment désinvolte du scénario et des dialogues : le sujet abordé (l'imminence de la mort, le vide d'une vie pas encore terminée) est grave, voire pesant, et plutôt bien traité. Emile, avec son je-m'en-foutisme sinistre est un personnage attachant et intéressant.

Mais quelque chose cloche, dérange. Quoi ? Eh bien, le sujet en lui-même. En sortant de la salle, on ne peut s'empêcher de penser qu'on a vu un film de vieux, pour des vieux. Les personnages sont vieux, quand ils ne sont pas bouseux ou hippies, l'humour est vieux, le scénario est vieux. On prend un sacré coup de vieux, en somme. Si vous êtes jeune et plein de vigueur, passez votre chemin. Si vous êtes vieux et plein de libido, peut-être serez-vous amusé, bien que l'image que se fait Pascal Baraté de l'amour ridé manque cruellement d'élégance et de grandeur d'âme. Un film qui ne vole pas bien haut, mais qui a ses qualités, la plus grande étant qu'il existe.

Sentence : 2,5/5

vendredi 25 juin 2010

L'Agence tous risques

Ils ne font pas la grève, eux.

Titre original : The A-Team
Ecrit & réalisé par : Joe Carnahan
Avec : Liam Neeson, Bradley Cooper, Quinton "Rampage" Jackson, Sharlto Copley
Durée : 114 min
Adapté de la série du même nom créée par Franck Lupo

Déshonorée, mise aux arrêts après un coup monté, l'inégalable Agence tous risques s'évade et se réunit une fois encore pour terminer la mission top secrète qui leur avait été confiée et retrouver les vrais coupables derrière l'affaire.






Chaque été, on l'attend avec un plaisir coupable, le film d'action décérébré qui saura relaxer nos pauvres neurones étouffés par la chaleur poussiéreuse de juin-juillet. L'Agence tous risques est le premier à montrer le bout de son canon semi-automatique et joue la carte de l'invraisemblance décomplexée. Un choix louable à l'apogée du film d'action dit "réaliste" et tourné façon documentaire au coeur de la guerre.

Joe Carnahan, habitué des films musclés et grand fan de la série originale, s'en sort mieux à l'écriture qu'à la réalisation, alors qu'on aurait attendu l'inverse d'un tel projet. L'intrigue en elle-même est plutôt bien ficelée, les relations entre les personnages savoureuses, qualité que l'on doit surtout aux quatre acteurs principaux et à l'atmosphère gaillarde qu'ils distillent à grand renfort de vannes plus ou moins potaches. Bien sûr, tout cela ne vole jamais bien haut et l'actualisation du contexte sent le réchauffé à plein nez - un peu de guerre en Irak par-ci, un peu de complot de la CIA par-là, le tout sur fond de critique inoffensive de l'armée. Ce qui est familier rassure, quand cela n'ennuie pas.

Plus embêtante est la qualité inégale de la réalisation, qui s'emmêle les pinceaux dès que ça bouge un peu et que le numérique n'est plus là pour sauver la mise. Cédant aux diktats de la caméra agitée type Paul Greengrass, Joe Carnahan jette aux orties toute notion de cadrage et sert avec ardeur une bouillie confuse pour le plus grand malheur de nos yeux fatigués. Montage très nerveux et plans-éclairs sont autant de "trucs" de plus en plus à la mode dont Carnahan est friand, mais qui agacent et égarent plus qu'autre chose.

Cela étant dit, ne soyons pas injustes. Malgré ses défauts, le plus grand atout de L'Agence tous risques est qu'elle ne se prend pas au sérieux et se regarde très facilement - quelques soupirs, à la limite, mais rien qui vienne bouleverser le bon moment que l'on passe pendant deux petites heures.

Sentence : 2,5/5

jeudi 24 juin 2010

L'Échelle de Jacob

Le paradis, l'enfer : quel bordel.

Titre original : Jacob's Ladder
Réalisé par : Adrian Lyne (1991)
Ecrit par : Bruce Joel Rubin
Avec : Tim Robbins, Elizabeth Pena, Danny Aiello
Durée : 112 min

Quelque chose ne tourne pas rond dans la vie de Jacob Singer : d'abord, il y a ces flashs-back insupportables sur la guerre du Viet-Nam, puis ces cauchemars qui semblent prendre le pas sur la réalité, durant lesquels son troisième fils est encore vivant et son ex-femme encore aimante. Mais le pire dans tout cela, ce sont ces étranges créatures, des démons, il en est convaincu, qui le poursuivent partout, Dieu sait dans quel but.






Souvent, le parcours sans faute de cinéastes réputés est entaché par un film déraisonnablement mauvais, pour des raisons diverses - caprices de producteur, rêve d'enfant, gastro pendant le tournage... Dernier exemple en date, l'infect Robin des Bois de Ridley Scott, dont le nom tintait pourtant comme un gage de qualité (d'Alien à Robin des Bois, comment a-t-on pu en arriver là ?).
Et puis, plus rarement, c'est l'inverse qui se produit, c'est-à-dire qu'un cinéaste quelconque brille l'espace d'un long-métrage, avant de retomber dans la fadeur qui l'a jusqu'ici caractérisé. Adrian Lyne et L'Echelle de Jacob sont de cette catégorie-là.

D'un point de vue thématique et qualitatif, le film ne ressemble à rien de ce que le cinéaste a produit et/ou réalisé avant cela. Plutôt habitué aux thrillers sulfureux sans prétention, Adrian Lyne semble n'avoir été que l'orfèvre -habile et efficace, reconnaissons-le- au service de la plume torturée de Bruce Joel Rubin.

Inspiré de la libre interprétation d'un épisode de la Bible qui porte le même nom, le film est, sans surprise, chargé d'images et de références bibliques (ne serait-ce que les prénoms des personnages). Le contraire eut été étonnant : les thèmes principaux de L'Echelle de Jacob sont la vie, la mort, l'enfer, le paradis, le tout saupoudré d'une déclaration anti-militariste qui a du mal à s'intégrer dans l'histoire de fond, résolument spirituelle et métaphysique. Car non, ce n'est pas un film que l'on visionne à une heure du matin en grignotant et en discutant avec des amis après une soirée plus ou moins arrosée. Bruce J. Rubin n'a d'autre vocation, pendant 1h30, que d'égarer le spectateur, avec beaucoup d'intelligence et de doigté, dans les méandres paranoïaques de l'esprit de Jacob, ex du Viet-Nam et traumatisé comme il se doit. Comme lui donc, on est balloté avec un cynisme cruel entre réalité cauchemardesque et idéal illusoire, tout cela pour nous mener où ? Vous le saurez en tant voulu.

L'Echelle de Jacob n'est pas le film labyrinthique au cadenas tenace que l'on nous a présenté ici et là ; Bruce J. Rubin maîtrise parfaitement son script, ce qui, étant donné l'oeuvre en question, revient à dompter un taureau furieux de huit tonnes avec une main dans le dos. Pour peu que l'on soit attentif, la clé nous est gracieusement fournie dans le dernier quart du film, qui prend tout son sens. Les sentiments commencent alors à se bousculer dans notre esprit mis à rude épreuve, mais on est sûr d'une chose : c'est ambitieux, c'est intelligent, c'est beau. On en veut plus, des films comme celui-là.

Sentence : 4/5


lundi 21 juin 2010

Amours Chiennes

"Love's a bitch, ain't it ?"

Titre original : Amores Perros
Réalisé par : Alejandro Gonzalez Inarritu (2000)
Ecrit par : Guillermo Arriaga
Avec : Gael Garcia Bernal, Emilio Echevarria, Goya Toledo
Durée : 153 min

Au Mexique, les vies tumultueuses de trois âmes qui ont en commun d'être motivées par leurs amours illégitimes. Octavio veut s'enfuir avec l'épouse de son frère, Daniel se sépare de la sienne pour vivre avec son amante, El Chivo enfin, cherche à se rapprocher de sa fille qui le croit mort.






S'il est bien un réalisateur qui apporte de l'eau au moulin des partisans de la politique des auteurs, c'est Alejandro Gonzalez Inarritu. Quatre films seulement à son actif, dont le dernier a été présenté à Cannes cette année (Biutiful), et déjà une reconnaissance internationale, un style unique et des histoires de destins croisés qui sont sa marque de fabrique. Son premier long-métrage, Amours Chiennes, ne fait pas exception (ou presque).

Au programme, trois récits superposés, clairement séparés les uns des autres et qui brassent des thèmes chers à Inarritu - les relations familiales conflictuelles, la rédemption, l'amour face à une tragédie. Les trois histoires ne sont reliées entre elles que de façon très superficielle, et on est loin de l'entrelacs de destins humains d'un Babel ou d'un 21 grams. Une prise de position qui étonne et, à dire vrai, qui n'est pas plaisante. On sort un peu las du visionnage, un sentiment d'autant plus vif que le film est très long (2h33 !) et surtout, discontinu. En outre, Guillermo Arriaga, l'écrivain attitré d'Inarritu, fait preuve d'une timidité frustrante : les personnages sont assez simples, les situations parfois prévisibles ; seule la dernière histoire sort du lot et apporte un peu de complexité et beaucoup d'humanité à ce film qui en manque cruellement.

Inarritu fait pourtant preuve d'une maîtrise technique remarquable pour son premier long-métrage : on reconnaît déjà son style, caméra à l'épaule, au plus près des visages des acteurs. Seul bémol, peut-être signe d'inexpérience, sinon d'une faute de goût, la gestion de la bande originale, un peu hasardeuse, qui résonne souvent comme une fausse note dans les moments-clés d'Amours Chiennes. Vraiment, voilà un étrange projet. Sans doute Inarritu était-il gourmand ou pessimiste et pensait qu'il n'aurait plus l'occasion de raconter d'histoires après ce film-là : il a décidé de regrouper trois moyens-métrages sous la bannière un peu vacillante de l'amour coupable, de vaguement les relier entre eux et d'en faire un film très, très long. Amours Chiennes est héraut de sa filmographie, il n'est qu'un Babel inachevé.

Sentence : 2,5/5

jeudi 17 juin 2010

L'Illusionniste

"Rock m'a tuer"-le Music Hall

Réalisé par : Sylvain Chomet
D'après un scénario original de Jacques Tati.
Durée : 80 min

A la fin des années 50, un illusionniste français se rend compte que ses tours de passe-passe n'intéressent plus grand-monde ; le Rock'n'Roll balaie tout sur son passage. Les contrats se faisant de plus en plus rares, il part tenter sa chance en Angleterre, sans plus de succès, où il rencontre Alice, une jeune fille sans le sou qu'il prend sous son aile.







C'est en fouillant dans les vieux tiroirs de son illustre père que Sophie Tatischeff a sorti cette perle de l'animation 2D. Sylvain Chomet, auteur des fameuses Triplettes de Belleville, ne pouvait rêver d'un meilleur projet, lui qui vouait une admiration sincère à Jacques Tati. C'est donc le coeur gonflé d'orgueil qu'il s'est attelé à la réalisation de ce fossile des temps modernes, criant "merde" aux poncifs de l'animation 3D pour privilégier une esthétique à l'ancienne.

Et tenez-le vous pour dit : l'ère des dessins animés n'est pas révolue, loin s'en faut. Le charme poussiéreux de L'Illusionniste tient à son animation irréprochable et à son atmosphère unique, savant mélange de magie, de nostalgie et de drame social. Non, ceci n'est pas pour les enfants, ils s'ennuieront et passeront à côté de l'essentiel : Sylvain Chomet pose la question de la place de l'artiste dans la société. Une époque bien grise pour qui ne vit pas avec son temps, une époque qui pousse des clowns au suicide et des ventriloques à la vente de leur marionnette. Ce contraste saisissant entre magie et préoccupations terre-à-terre mais nécessaires est au coeur du film et en fait toute la force tragique, à l'image du dernier message du protagoniste pour Alice, qui résonne comme un glas assassin dans l'univers du rêve et du Music Hall.

Et comme Sylvain Chomet n'aime guère la facilité -on lui en est reconnaissant-, il s'imposa un deuxième défi de taille, créer une relation humaine et attachante entre deux personnages de papier qui ne parlent presque jamais, sans utiliser de gros plan, façon vieille école donc, en filmant les personnages "de pied". Avec ses airs de dandy maniéré et maladroit, l'illusionniste est un bloc d'élégance et d'humanité bienveillante qui vous ravit avant de vous émerveiller. Voir ces deux âmes égarées veiller l'une sur l'autre a quelque chose de rafraîchissant et fait oublier, l'espace de quelques plans fixes, le monde extérieur, le quotidien et sa platitude. C'est cela, la grande force de L'Illusionniste : c'est plus qu'un film, c'est un numéro, un tour de magie qui vous fait décoller avant de vous ramener au sol avec force et raffinement à la fois.


Sentence : 4,5/5

dimanche 13 juin 2010

Gosford Park

Ils sont fous ces bretons.

Réalisé & co-écrit par : Robert Altman (2001)
Avec : Clive Owen, Kristin Scott Thomas, Michael Gambon
Durée : 137 min

En 1932, une famille d'aristocrates anglais organise une partie de chasse à cours à laquelle sont conviés de nombreux invités. Un meurtre survenu dans la soirée bouleverse les codes et les convenances figés de cette micro-société partagée entre deux mondes : celui des maîtres et celui des serviteurs.






Gosford Park n'est pas tant une enquête policière qu'une représentation détaillée des moeurs de l'aristocratie anglaise des années 30. L'essentiel du film est en effet consacré à l'interdépendance très hegelienne qui résume les relations entre aristocrates et leurs valets : les uns passent leur temps à discuter des ragots sur les autres, et vice-versa. Ôtez leurs valets aux aristocrates et ils se retrouvent seuls dans un grand monde menaçant ; quant aux valets, ils ne sont rien sans leurs maîtres. Ce n'est donc pas un hasard si l'enquête policière passe au second plan, à l'image de l'inspecteur Thompson, personnage volontairement effacé, qui n'apparaît jamais seul ou au premier plan.

Robert Altman et Bob Balaban se sont d'ailleurs beaucoup inspirés des romans d'Agatha Christie pour l'écriture du scénario de Gosford Park (seul Oscar acquis sur les sept nominations) : des personnages fourbes, des secrets coupables, l'hypocrisie la plus crue comme credo universel ; tout cela est dépeint avec un humour très anglais et un jeu de clair-obscur habile. Car la réalisation est exemplaire, élégante dans sa simplicité et son sens du détail.

Pourtant, il y a une tache sur cet impressionnant tableau, un défaut qui n'en est peut-être pas un, mais qui ennuie malgré tout, dans tous les sens du terme. Le scénario, bien qu'il fût seul à être récompensé aux oscars, souffre de sa longueur. Gosford Park est très lent à démarrer, c'est un fait, pour une raison qui le poursuit pendant 2h17 (!) : Bob Balaban et Robert Altman sont très bavards, et n'aiment guère l'action. Cela n'aurait pas été gênant si, à la place des points-virgules, nos deux auteurs avaient ponctué les répliques de leurs personnages de touches d'humour. C'est d'autant plus regrettable qu'ils le font très bien, mais trop rarement pour saborder l'ennui qui, comme un affreux navire rempli de colporteurs, vient tranquillement s'installer à quai.

On pardonne volontiers la mollesse du scénario qu'il compense avec son intelligence et ses idées. L'univers de Gosford Park est bien plus complexe qu'une énième représentation de la lutte des classes : chaque camp trouve son compte dans l'immobilisme et ceux qui dérogent à la règle en mettant un pied d'un côté ou de l'autre de la frontière sont punis tôt ou tard, et personne ne s'en étonne ni ne s'en plaint, pas même les intéressés. C'est finalement une bonne chose que les auteurs aient délaissé l'enquête policière au profit de l'aspect social : entre humour noir et cynisme à l'anglaise, rarement portrait de l'aristocratie et de son fonctionnement aura brillé avec autant d'éclat.


Sentence : 4/5

mardi 8 juin 2010

Rabia

T'as regardé ma copine là ?

Ecrit & réalisé par : Sebastian Cordero
Avec : Gustavo Sanchez Parra, Martina Garcia, Iciar Bollain
Durée : 95 min
Adapté du roman Rabia de Sergio Bizzio


Rosa et José Maria sont deux immigrés sud-américains à Madrid. L'une est bonne dans l'immense manoir d'un couple de riches retraités, l'autre est ouvrier sur un chantier. Lorsqu'il commet accidentellement un meurtre, il part se réfugier dans le manoir où travaille sa compagne, sans même que celle-ci soit au courant.






On voit partout sur les affiches et les présentations de Rabia le nom prestigieux de Guillermo del Toro, comme un gros lampion rassurant pour attirer le spectateur lambda, un peu frileux à l'idée d'aller voir un thriller romantique colombien. Mais ne nous méprenons pas, le réalisateur joufflu auteur du Labyrinthe de Pan n'est que le producteur de ce huis clos d'un genre un peu particulier, puisque l'action est centrée sur un personnage que l'on sait dangereux, mais dont les habitants du manoir ignorent la présence. Le film fonctionne à plein régime sur cette ironie dramatique qui fait de José Maria tantôt un démon invisible, tantôt un ange gardien.

Pourtant, il va bien falloir que l'on retienne ce nom : Sebastian Cordero, jeune réalisateur dont c'est le deuxième long-métrage, mais qui nous éblouit par son sens de la mise en scène, habile et délicat, un peu moins par son sens de l'écriture. C'est dommage, car dans le cas contraire, on se serait empressé de crier au chef-d'oeuvre : le directeur photo concurrence en maîtrise et en talent le réalisateur lui-même, qui s'échine à créer une ambiance oppressante. Car Rabia est avant tout un film d'atmosphère, mis à mal par son scénario un peu faiblard, malgré quelques bonnes idées. L'action est lente, les personnages classiques et les situations parfois prévisibles, mais on se laisse prendre au jeu. Sebastian Cordero n'est pas un grand auteur, mais son style fait l'affaire. Le personnage de José Maria, associé à l'image du rat, dépérit tandis que Rosa s'épanouit, et l'on apprécie la symbolique finale de la renaissance, touchante et élégante.

Rabia n'est donc pas un simple thriller fantastique estampillé "del Toro". A l'avenir, espérons que les noms sur l'affiche seront inversés, et que le producteur mexicain apparaîtra en bas, en petits caractères, pour laisser Sebastian Cordero à sa place légitime, au sommet de son oeuvre. Un nom avec lequel il faudra compter.


Sentence : 3,5/5

samedi 5 juin 2010

La Tête en friche

Un Oedipe très contrarié.

Ecrit & réalisé par : Jean Becker
Avec : Gérard Depardieu, Gisèle Casadesus, Maurane
Durée : 82 min
Adapté du roman La Tête en friche de Marie-Sabine Roger

Germain Chazes est un brave gars quasi-analphabète qui partage ses journées entre boulot, bistrot, dodo, jusqu'à sa rencontre avec Margueritte (avec deux "t"), une retraitée de 95 ans, avec qui il va se lier d'amitié. Ensemble, ils lisent des classiques de la littérature française, et surtout, apportent un peu de soleil dans leurs vies respectives.






Il est de ces films qui se sont trompés de porte d'entrée. Au lieu d'emprunter le légitime couloir de la télévision, fort de leur casting luxueux et avide de prestige, voilà qu'ils se retrouvent dans une salle de cinéma, sans avoir conscience de ne pas être à leur place. Et voir un téléfilm au cinéma, c'est énervant.

Seulement, Gérard Depardieu ne tourne plus à la télévision, et Jean Becker peut lui en être reconnaissant : il est le capitaine de ce navire branlant et le sauve du naufrage complet par sa performance massive du benêt de service. La tâche était à la hauteur de son talent. Traiter d'un tel sujet a en effet quelque chose de vicieux : choisir comme protagonistes un simplet avec le coeur sur la main et une grand-mère sage et malicieuse est dangereux, car cela signifie s'exposer à la facilité. Eh oui, c'est facile d'être attendri par une histoire d'amitié entre deux cas sociaux comme Germain Chazes et Margueritte, tellement facile que Jean Becker n'a pas jugé utile de faire quelques efforts d'écriture.

Car disons-le, tout cela n'est pas très inspiré et mal dialogué. Margueritte est la caricature de la grand-mère philosophante et sympathique, qui sert de mère de substitution à un grand enfant qui n'eut pour seul parent qu'une matrone désagréable et alcoolique. Seul Chazes s'en sort plutôt bien et parvient à dépasser son simple statut d'idiot attachant. Malheureusement, c'est peut-être le seul aspect positif de La Tête en friche, qui souffre d'une réalisation fade et d'un montage hasardeux. Jean Becker a d'autant moins de mérite qu'il s'agit d'une adaptation de roman ! Il prouve uniquement qu'une bonne idée n'est pas synonyme d'une bonne histoire...


Sentence : 2/5